Au moment de me lancer dans la rédaction de Vincent qu'on assassine, comme tout auteur sur le point de passer à l'acte, le découragement m'accable. Je pense alors à tous ceux qui ont écrit sur des sujets maintes fois parcourus.
« Quoi ? » dit l’éditeur à Joyce Carol Oates. « Encore un livre sur Marilyn ? Mais il y en a déjà des centaines !! »
« Quoi ? » soupire l’éditeur qui déjeune avec Daniel Mendelsohn pour savoir ce qu’il prépare en ce moment, « Encore un livre sur l’extermination des Juifs ? Mais on en a ras-le-bol, de ce sujet… »
« Quoi ? proteste le producteur de James Cameron. « Un film sur le Titanic ? Mais… Ca fait longtemps qu’on a tout dit sur le sujet ! »
Je me tourmente à l’idée que le film de Pialat qui retrace les derniers moments de la vie de Vincent, a déjà tout dit sur le sujet. Qu’il a non seulement tout dit, mais aussi qu’il a fait voir la peinture, qu’il bénéficiait de l’aura de Jacques Dutronc, et qu’il a montré mieux que je ne saurais le faire tout ce qu’on pouvait exprimer au sujet de Vincent. Cette perspective m’accable : me voici plusieurs jours durant incapable d’écrire une seule ligne, incapable de songer à mon texte autrement que sur un mode amer de renoncement obligé.
Puis, réflexion faite, je remonte un peu la pente. D’abord, le film de Pialat est sorti il y a déjà vingt ans ; ensuite, ce que je vais développer dans mon texte se base sur des éléments nouveaux. Enfin, si le roman montre moins que le cinéma, il a aussi d’autres pouvoirs, notamment celui d’évoquer des réalités intérieures.