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Je ne saurais dire exactement quel âge j’ai, peut-être sept ou huit ans. Je suis dans la maison de mes parents et devant moi se trouve l’un de ces beaux livres de la bibliothèque, tous identiquement reliés, qui ont été achetés  en même temps pour remplir les rayonnages, que personne n’a jamais ouverts à part moi et qui m’aideront plus tard à traverser une adolescence terriblement désolée. Je feuillette l’un de ces ouvrages alors trop compliqués pour moi et je tombe sur un poème. Il n’est pas très long : une quinzaine de vers.

Je me souviens d’une lecture lentement déchiffrée et des images qui, au fil du texte, se forment en moi. Il y est question d’une nature merveilleusement bienveillante, maternelle et bonne. Le texte baigne dans une lumière verte et dans une agréable fraîcheur nées de ce fragement de paysage. Puis apparaît un jeune homme vêtu d’un uniforme ;  je le considère avec un intérêt d’autant plus grand qu’il ignore que je le contemple : il est alors endormi. Mais aussitôt, voilà que je dois m’inquièter pour lui. Il a froid, m’apprend le poème. Pour lui, pas de douceur de l’herbe, pas de brise caressante, pas de lumière merveilleuse. Au dernier vers, le texte m’assène la déflagration finale, avec l’image des deux trous rouges au côté droit.

Je m’arrête net et relis l’ensemble. Ai-je bien compris ? Hélas oui, et l’horreur de la guerre m’apparaît alors avec sa terrible acuité, de même que le talent du poète, cependant que dans mon cœur de sept ans, une évidence se formule Voilà ce que je veux faire quand je serai grande.

Tag(s) : #écrire - dit-elle
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