Le bonheur, c'est de changer d'ennui
Colette en 1896, par Jacques Humbert.
Dans quelques jours, ce sera la fin de ma première année universitaire et des examens. Cependant, à deux jours du premier de ces derniers, au lieu de méditer sur les réformes agraires du tsar Nicolas II, je bloguouille pour Marianne. Le choix a vite été fait, qu’on ne s’y méprenne pas : Marianne m’a tenu dans ses bras beaucoup plus tôt que la faculté ne m’a porté dans ses couloirs.
Les premières semaines, je ne faisais que trainer des pieds dans ses allées qui n’en finissaient pas, à passer dans un sens puis dans l’autre, tout en tentant de sauver les apparences avec un air sûr de moi. Rien à faire : je ne m’y retrouvais pas ! Ma première visite a, sans doute, été la plus laborieuse.
Afin de n’omettre aucun détail, pour conter en toute conscience et avec minutie mon premier périple en terres aixoises, mes périlleuses excursions dans les couloirs en ruines de l’université, mes formidables rencontres avec des étudiants assoiffés de signatures, des bureaucrates sous amphétamines et de frais bacheliers, j’ai rouvert mon carnet de l’époque où, à mes heures vacantes, j’écrivais mon angoisse.
Ce n’est pas sans une certaine nervosité que j’ai pénétré dans la cité universitaire, vers onze heures : mon petit cœur de romantique battait fort et mes petits ongles de névrosés en ont pâti. Cependant, à peine avais-je eu le temps d’attaquer la phalange de mon index que j’ai croisé une élève de mon ancien lycée, dont le prénom m’échappait alors et m’échappe toujours. Elle commençait à parler quand, soudain, on m’a apostrophé. À la fois soulagé de ne pas avoir à répondre aux questions de la brunasse et inquiété par les intentions de la blondasse qui m’avait appelé, je me dirigeais doucement vers cette dernière. « C’est pour l’inscription en première année ? » m’a-t-elle demandé sur un ton post soviétique qui, en somme, ne pêchait pas avec l’état post apocalyptique des bâtiments de la cité. « Allez là-bas. » m’a-t-elle ordonné en désignant une sorte de stand que je me suis, en bon révolté soumis, empressé de rejoindre. On y a réclamé mon assurance scolaire, puis on m’a envoyé dans le bâtiment adjacent. Sur le chemin, un étudiant est venu s’enquérir de mes dispositions et, bientôt, trois autres sont arrivés, pour l’accompagner dans sa prospection : que pouvaient-ils bien me vouloir, ces pèquenots ? Très vite, ils m’ont proposé de rejoindre leur parti estudiantin mais quand ils m’ont vu patauger dans leurs abréviations, ils se sont contentés de m’accabler de brochures, de prospectus et de ce genre de documents que je ne sais refuser autrement qu’en criant « Je peux pas : je suis pressé ! » Suite à cet étrange premier contact avec l’élite des étudiants engagés de la fac, je suis entré (enfin !) dans le bâtiment administratif où une kyrielle d’adolescents anxieux attendaient leur tour, un numéro à la main, sursautant d'illusion à chaque « bip-bip » que faisait un écran, espérant que le nombre que ce dernier afficherait fût le leur – je conjugue trop super bien. J’ai à peine eu le temps de poser mes fesses et d’examiner mes futurs camarades : c’était à moi. J’arrivais au terme de mon pèlerinage ! J’y étais ! Je passais le seuil ! J’allais devenir « étudiant » ! Puis une vieille dame m’a expliqué que j’avais tout sauf les bons papiers, qu’il ne fallait pas se fier à leur site internet, que ça n’allait pas, mais alors pas du tout, du tout.
Finalement, le lendemain, j’y suis retourné, assoiffé de vengeance, avide de reconnaissance, à la manière d’un Rambo II, portant, à la place de son fusil et ses grenades, des documents et des pièces d’identité, puis on m’a inscrit. Quoi que j’aie pu en dire, c’était la fin d’une ère, de cette époque que je haïssais tant. Évidemment, en manque d’exécration, j’ai dû me mettre à détester l’université mais, comme dit Colette : « le bonheur, c’est de changer d’ennui ».
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