Carlos Liscano est un écrivain Uruguayen qui a passé treize ans de sa vie en prison, à cause de son activité politique, et le reste de son temps à écrire. Avec L'écrivain et l'autre, il livre un texte fascinant, quoique très sombre, sur ce que c'est que l'écriture.
« L'euphorie de penser à l'oeuvre qu'il faudra et à celle qu'il ne faudra pas écrire, la responsabilité d'avoir à le faire. Le monde devient différent, on le regarde depuis la littérature, depuis l'oeuvre qui n'est pas encore écrite. Mais la vie d'écrivain est aussi autre chose : entre l'individu réel et ses désirs d'infini, sa quête de l'oeuvre, son besoin de créer, il y a une distance qui se comble de détails, de servitudes quotidiennes, d'amours malheureuses, de petites maladies, de factures à payer. Et entre ces désirs et ces misères s'écoule la douleur d'écrire. Car l'écrivain n'est pas toujours à la hauteur de l'idée qu'il se fait de son oeuvre, ni à la hauteur de sa souffrance. Il se distrait, il se méprend, écrire pour écrire, ne parvient pas à frôler l'infini tant recherché. Mais un jour, oui, un jour vient où il sent que quelque chose se rapproche de l'oeuvre telle qu'il la conçoit. Il n'accède pas pour autant au bonheur, mais il sait qu'il a réussi. Vis-à-vis de qui, de quoi ? L'écrivain est la plus grande oeuvre de l'écrivain. Il est une fiction. Parce qu'il construit et reconstruit sans cesse son image. Parce qu'il est sa principale oeuvre. Sa vie, sa vie privée, intime, manque d'importance aux yeux de tout le monde. Seul compte le personnage fabriqué, celui qui donne sens à tout. L'échec de qui veut écrire et n'y parvient pas réside dans le fait de n'avoir pu ou su construire l'écrivain qu'il veut être. Parce qu'il arrive un moment où tout tend vers cette construction, toujours précaire, toujours ratée. Parce que écrire est toujours un combat perdu d'avance. Un combat contre la mort, et la mort l'emporte toujours. »
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