C'est Louis-René des Forêts qui en parle le mieux, me semble-t-il, dans un ouvrage assez ardu, mais plein de beautés, Voies et détours de la fiction.
"J'ai toujours été frappé par le phénomène de dédoublement qui s'opérait en moi au cours de mon travail : je suis mon propre lecteur, par lequel l'auteur en moi est sans cesse tenu en bride. C'est un phénomène qui doit être commun à beaucoup de gens qui écrivent : chacun de nous est en même temps les deux membres du couple. Tout écrivain, et même tout lecteur, chez qui le souci de l'art s'unit à une grande méfiance des moyens de l'art, passe par ce double mouvement : mouvement inspiré, mouvement critique. En ce sens, je dirais qu'écrire est l'acte de quelqu'un en moi qui parle en vue de quelqu'un en moi qui l'écoute.
Dissociation, double impulsion contradictoire, désir de l'art et méfiance à l'égard de ses moyens, dialogue infini avec soi-même... J'ai l'impression que tout est dit.