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Tu as commencé un roman. Tu en as dessiné le plan, esquissé les personnages, rédigé quelques passages, un chapitre ou deux. Puis tu t'arrêtes, indécis, perplexe, ne sachant pas comment continuer. Le fil que tu tenais semble s'être rompu. Comment faire ?
A la fin de la Trève, Primo Levi retrace son périple de retour depuis Auschwitz, dans une Europe
dévastée par la guerre. De Pologne jusqu'en Italie, en passant par l'Ukraine, la Roumanie la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, le train qui le ramène met dix mois à arriver à destination. En cause, le climat, la pénurie de charbon, et d'eau, mais aussi le fait que les voies de chemin de fer ont été détruites par les bombardements. De ce fait, le train stationne des jours durant, dans de petites gares perdues.
Chaque jour, durant cet interminable trajet, les voyageurs interrogent le conducteur. Le train va-t-il repartir ? Et si oui, dans quelle direction ? La réponse du conducteur est pleine de mystère. Pour justifier la direction dans laquelle le train roule, y compris quand il semble repartir vers son point de départ, le conducteur explique :" Nous allons là où il y a des rails."
Comme Primo Levi, le romancier est embarqué dans un voyage qui dure souvent bien plus longtemps que prévu. Comme lui, il avance dans une grande incertitude de ce que l'avenir lui réserve. Et comme lui, il est obligé de se plier aux aléas de la voie empruntée.
Le roman ne se laisse généralement pas écrire de la page 1 à la page 350. Il arrive souvent que l'auteur bloque sur un passage, et soit obligé de le laisser en plan pour continuer d'avancer, de ci-delà, dans la direction où le texte accepte de s'ouvrir devant lui.
Peux-tu écrire une scène d'importance mineure ? Un dialogue servant à faire voir un personnage secondaire ? La description d'un lieu où se déroule la dernière partie du roman ?
Peux-tu dessiner l'arrière-plan, sculpter la psychologie d'un personnage de second ou de troisième plan ? FAIS-LE. Ne te retiens pas au motif que "ce n'est pas l'essentiel". Ces passages que tu considères comme sans importance t'ouvriront sur d'autres textes qui en auront peut-être davantage. Ils font de toute façon avancer ton texte et te prouvent que, même pas à pas, le travail en cours progresse.
Comme le conducteur du train, comme Primo Levi, l'auteur de roman persévère dans l'écriture de son texte, avançant chaque jour non pas là où il l'a décidé, ni là où il le souhaiterait, ni même à la vitesse qu'il désirerait, mais plus modestement "là où il y a des rails".
Pour davantage de conseils concernant l'écriture : https://livre.fnac.com/a6524819/Marianne-Jaegle-Ecrire-de-la-page-blanche-a-la-publication